Le statut juridique de l’entrepreneur individuel vient de faire l’objet d’une évolution majeure. En effet, jusqu’alors, les entrepreneurs individuels (artisans, commerçants, professionnels libéraux, agriculteurs), c’est-à-dire ceux qui exercent leur activité professionnelle en nom propre et non pas sous la forme d’une société, disposaient d’un seul et unique patrimoine. Conséquence, en cas de difficultés économiques, leurs biens personnels étaient exposés aux poursuites de leurs créanciers professionnels.
À noter : la résidence principale de l’entrepreneur individuel est toutefois insaisissable par ses créanciers professionnels.
Ce risque important avait conduit les pouvoirs publics à instaurer, il y a maintenant plus de 10 ans, le statut d’EIRL (entrepreneur individuel à responsabilité limitée) ; statut qui se caractérise par l’existence d’un patrimoine dit « d’affectation », composé des seuls biens que l’entrepreneur affecte à son activité professionnelle, et qui est séparé de son patrimoine personnel. Mais force est de constater que ce statut, en raison de sa complexité, a été adopté par un nombre très faible d’entrepreneurs (environ 3 %).
Du coup, les pouvoirs publics, dans le cadre d’un vaste « plan indépendants » initié par le président de la République au mois de septembre dernier et visant à améliorer et à simplifier les régimes fiscal, social et juridique auxquels sont soumis les travailleurs indépendants, se sont à nouveau penchés sur la question de la limitation des risques financiers encourus par les entrepreneurs individuels dans le cadre de leur activité professionnelle. Et ce « plan indépendants » a donné lieu à l’adoption d’une loi créant notamment un statut unique et plus protecteur pour l’entrepreneur individuel.
Un statut unique, séparant les patrimoines personnel et professionnel
Désormais, les entrepreneurs individuels relèveront donc d’un statut unique qui opère une séparation entre leurs patrimoines personnel et professionnel. Le patrimoine professionnel d’un entrepreneur individuel étant constitué des biens qui sont « utiles » à son activité tandis que son patrimoine personnel sera composé des autres biens. Sachant que seul le patrimoine professionnel de l’entrepreneur pourra être saisi par ses créanciers professionnels, l’ensemble de son patrimoine personnel (et non plus seulement sa résidence principale) étant, quant à lui, à l’abri des poursuites de ces derniers. Et l’entrepreneur ne pourra pas se porter caution en garantie d’une dette professionnelle dont il sera débiteur, sauf à renoncer explicitement à cette protection à la demande du créancier.
En pratique, la séparation de ces deux patrimoines s’effectuera automatiquement, sans formalité administrative à accomplir, ni information à donner aux créanciers.
Sachant que l’entrepreneur pourra renoncer au bénéfice de cette séparation en faveur d’un créancier professionnel, en particulier d’un banquier pour obtenir un crédit. Mais cette renonciation ne pourra porter que sur un engagement spécifique limité dans le temps et à un certain montant.
Attention : le recouvrement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux (CSG et CRDS) dus par un entrepreneur individuel pourra être opéré sur ses patrimoines tant professionnel que personnel. De même, en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservations graves et répétées de ses obligations fiscales et sociales, l’administration fiscale et les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales pourront poursuivre l’entrepreneur sur son patrimoine personnel et non pas seulement sur son patrimoine professionnel.
Ce nouveau statut s’appliquera à compter du 15 mai prochain. Les entreprises individuelles créées à compter de cette date y seront donc pleinement soumises. Quant à celles existant déjà au 15 mai 2022, la séparation des patrimoines professionnel et personnel ne s’appliquera qu’aux créances nouvelles nées à compter de cette date.
À noter : l’entrée en vigueur effective de ce nouveau statut est toutefois subordonnée à la parution d’un décret précisant ses modalités d’application.
La disparition du statut d’EIRL
L’instauration du statut unique d’entrepreneur individuel entraînera la disparition progressive du statut d’EIRL (entrepreneur individuel à responsabilité limitée). Ainsi, depuis le 16 février dernier, il est devenu impossible pour un entrepreneur individuel de choisir ce régime. Et à compter du 15 août 2022, les héritiers d’un EIRL décédé ne pourront plus poursuivre l’activité professionnelle de ce dernier en reprenant le patrimoine qu’il avait affecté à cette activité.
En revanche, le régime de l’EIRL continue à s’appliquer pour les entrepreneurs qui exerçaient leur activité sous ce statut à la date du 15 février 2022.